Décomplexer l'estampe
" title="Boxe 17 (2004), de Louise Delorme, impression numérique à jet d’encre sur chiffon. Collection de l’artiste.
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Photo : Pierre Perrault
Boxe 17 (2004), de Louise Delorme, impression numérique à jet d’encre sur chiffon. Collection de l’artiste.
À retenir
- Ces artistes qui impriment
- Grande Bibliothèque, 475, boulevard de Maisonneuve Est et Centre d'archives de Montréal, 535, avenue Viger Est
- Jusqu'au 3 octobre.
- Maison de la culture Frontenac, 2550, rue Ontario Est
- Jusqu'au 28 août.
Dessins
Signe des temps? A-lors qu'on vante le croisement entre les disciplines, le transgenre artistique de notre époque, voici que les expositions «mono» se multiplient. Après le non-événement Peinture extrême et la Biennale de sculpture, c'est le tour de l'estampe et du dessin d'être montrés du doigt.
Des lignes, du sol au mur, se croisent et se décroisent. Les sections manquent de limpidité, malgré le bloc qui en marque le début. Bref, autant dans son design que dans sa division et son occupation de l'espace, l'exposition Ces artistes qui impriment déroute. Ou dévie, tant elle s'éloigne du truc didactique auquel on se serait attendu.
Cette expo, signée Gilles Daigneault, spécialiste de l'estampe, est tout de même couci-couça. Immense en nombre (98 artistes), elle est divisée en deux parties, l'une au Centre d'archives, l'autre à la Grande Bibliothèque, la noblesse de la première se démarquant par rapport à l'anonymat du sous-sol de la seconde, où sont condamnées les expos de la bibliothèque.
Si la confusion règne, elle est assumée. Le commissaire n'a pas voulu tomber dans «une certaine orthodoxie des techniques de l'estampe», comme il l'énonce. Il ne prétend pas signer le b.a.-ba de la gravure, mais plutôt une ode aux arts de l'impression, dans toute leur complexité, leur diversité, et même leur multidisciplinarité, si la chose se peut.
Le profane ne saisira peut-être pas les nuances entre un bois gravé et une gravure sur bois, ne verra pas la distance entre une sérigraphie et une eau-forte. Par contre, il comprendra que «ces artistes qui impriment» sont cela avant tout, des artistes (pas seulement des graveurs), et que la gravure est une affaire majeure.
Survol plus subjectif
Avec cette exposition, sous-titrée «Un regard de l'estampe au Québec depuis 1980», Gilles Daigneault repart d'où il s'était arrêté en 1981, au moment de La Gravure au Québec (1940-1980), publication dont il était le coauteur avec Ginette Deslauriers. Son nouveau survol est moins historique, beaucoup plus subjectif. Daigneault se permet un retour en arrière, avec une litho d'Albert Dumouchel, considéré comme le père de l'estampe québécoise, et consacre le gros de sa sélection aux années 2000.
Son découpage, qui parle peu d'évolution, personnalise davantage les manières de faire. Qu'il appartienne au groupe des «habitués» (Bougie, Gaucher, Donais) ou à celui des «atypiques» (Cozic, Goodwin, Paiement), chaque artiste a son style, son procédé. Les «frontières [sont] poreuses» et les classements vains, finalement. Les rapprochements, ou les oppositions, à la portée du néophyte sont dès lors formels, à l'instar du face-à-face entre les personnages en ombre de Louise Masson et ceux de Louis Delorme.
Dans ce brouhaha, il y a quand même quelques traits rouges. La démesure, certainement, est l'un d'eux. Le signe le plus évident est la stèle Esmeralda, la louve cartomancienne, un classique de Pierre Ayot qui ouvre le parcours à la Grande Bibliothèque. Un commentaire du commissaire pour saluer l'estampe autrement qu'en tant qu'art intimiste. Le chapitre dit des «branchés» permet sinon à Daigneault d'inclure l'impression numérique — la photo, pour ceux qui regardent vite.
Il y a une volonté de s'inscrire dans son temps, de mettre à jour les dicos de l'estampe. Voire de froisser les traditions, encore une fois. Car l'histoire de l'estampe (comme celle de toute discipline, remarquez) en est une de remises en question. Pour ce faire, le commissaire s'appuie sur des déclarations célèbres, qu'il a inscrites au sol, telle celle de June Wayne, fondatrice du Tamarind Workshop de Los Angeles: «Si ce que j'ai créé correspond à la définition de la gravure originale, tant mieux; sinon, c'est la définition qui manque d'ampleur et doit céder.»
Ceux qui dessinent
À la maison de la culture Frontenac, loin du glamour et des manifestions-événements, l'expo Dessins rassemble douze artistes. Douze noms qu'on associe autrement à la sculpture (Patrick Coutu, François Morelli), à la peinture (Max Wyse, Julie Ouellet), à la photo (Matthieu Gauvin)...
Le propos du commissaire Jean-Sébastien Denis, lui-même présent sur les murs, est tout aussi simple que le titre de l'expo. Le dessin est «formateur», il est la base de tout.
On se plaît bien à parcourir cette expo, qui tient en une salle, qui respire. C'est la légèreté de cet art, il faut croire. Les ensembles complexes ne manquent pas pour autant, comme la mosaïque en demi-cercle de Jean-François Lauda, où le gribouillis voisine la précision, la surface pleine le papier blanc. Le crayonnage, le griffonnage, le tracé, par le biais du graphite ou de l'encre, en couleur ou en noir, sur papier opaque ou fragile, la diversité est aussi matière à dessin.
***
Collaborateur du Devoir
Des lignes, du sol au mur, se croisent et se décroisent. Les sections manquent de limpidité, malgré le bloc qui en marque le début. Bref, autant dans son design que dans sa division et son occupation de l'espace, l'exposition Ces artistes qui impriment déroute. Ou dévie, tant elle s'éloigne du truc didactique auquel on se serait attendu.
Cette expo, signée Gilles Daigneault, spécialiste de l'estampe, est tout de même couci-couça. Immense en nombre (98 artistes), elle est divisée en deux parties, l'une au Centre d'archives, l'autre à la Grande Bibliothèque, la noblesse de la première se démarquant par rapport à l'anonymat du sous-sol de la seconde, où sont condamnées les expos de la bibliothèque.
Si la confusion règne, elle est assumée. Le commissaire n'a pas voulu tomber dans «une certaine orthodoxie des techniques de l'estampe», comme il l'énonce. Il ne prétend pas signer le b.a.-ba de la gravure, mais plutôt une ode aux arts de l'impression, dans toute leur complexité, leur diversité, et même leur multidisciplinarité, si la chose se peut.
Le profane ne saisira peut-être pas les nuances entre un bois gravé et une gravure sur bois, ne verra pas la distance entre une sérigraphie et une eau-forte. Par contre, il comprendra que «ces artistes qui impriment» sont cela avant tout, des artistes (pas seulement des graveurs), et que la gravure est une affaire majeure.
Survol plus subjectif
Avec cette exposition, sous-titrée «Un regard de l'estampe au Québec depuis 1980», Gilles Daigneault repart d'où il s'était arrêté en 1981, au moment de La Gravure au Québec (1940-1980), publication dont il était le coauteur avec Ginette Deslauriers. Son nouveau survol est moins historique, beaucoup plus subjectif. Daigneault se permet un retour en arrière, avec une litho d'Albert Dumouchel, considéré comme le père de l'estampe québécoise, et consacre le gros de sa sélection aux années 2000.
Son découpage, qui parle peu d'évolution, personnalise davantage les manières de faire. Qu'il appartienne au groupe des «habitués» (Bougie, Gaucher, Donais) ou à celui des «atypiques» (Cozic, Goodwin, Paiement), chaque artiste a son style, son procédé. Les «frontières [sont] poreuses» et les classements vains, finalement. Les rapprochements, ou les oppositions, à la portée du néophyte sont dès lors formels, à l'instar du face-à-face entre les personnages en ombre de Louise Masson et ceux de Louis Delorme.
Dans ce brouhaha, il y a quand même quelques traits rouges. La démesure, certainement, est l'un d'eux. Le signe le plus évident est la stèle Esmeralda, la louve cartomancienne, un classique de Pierre Ayot qui ouvre le parcours à la Grande Bibliothèque. Un commentaire du commissaire pour saluer l'estampe autrement qu'en tant qu'art intimiste. Le chapitre dit des «branchés» permet sinon à Daigneault d'inclure l'impression numérique — la photo, pour ceux qui regardent vite.
Il y a une volonté de s'inscrire dans son temps, de mettre à jour les dicos de l'estampe. Voire de froisser les traditions, encore une fois. Car l'histoire de l'estampe (comme celle de toute discipline, remarquez) en est une de remises en question. Pour ce faire, le commissaire s'appuie sur des déclarations célèbres, qu'il a inscrites au sol, telle celle de June Wayne, fondatrice du Tamarind Workshop de Los Angeles: «Si ce que j'ai créé correspond à la définition de la gravure originale, tant mieux; sinon, c'est la définition qui manque d'ampleur et doit céder.»
Ceux qui dessinent
À la maison de la culture Frontenac, loin du glamour et des manifestions-événements, l'expo Dessins rassemble douze artistes. Douze noms qu'on associe autrement à la sculpture (Patrick Coutu, François Morelli), à la peinture (Max Wyse, Julie Ouellet), à la photo (Matthieu Gauvin)...
Le propos du commissaire Jean-Sébastien Denis, lui-même présent sur les murs, est tout aussi simple que le titre de l'expo. Le dessin est «formateur», il est la base de tout.
On se plaît bien à parcourir cette expo, qui tient en une salle, qui respire. C'est la légèreté de cet art, il faut croire. Les ensembles complexes ne manquent pas pour autant, comme la mosaïque en demi-cercle de Jean-François Lauda, où le gribouillis voisine la précision, la surface pleine le papier blanc. Le crayonnage, le griffonnage, le tracé, par le biais du graphite ou de l'encre, en couleur ou en noir, sur papier opaque ou fragile, la diversité est aussi matière à dessin.
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Collaborateur du Devoir
" title="Boxe 17 (2004), de Louise Delorme, impression numérique à jet d’encre sur chiffon. Collection de l’artiste.
" width="98" height="98"> " title="De la série Neuf vues: Femme debout (2003), de Louise Masson, bois gravé. Collection de BAnQ.
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" width="98" height="98"> " title="De la série Neuf vues: Femme debout (2003), de Louise Masson, bois gravé. Collection de BAnQ.
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