4 janvier 2003
Je t’aime Jeannette pour la tête, pour le cœur.
Je reçois aujourd’hui un courrier de Frans Masereel Centrum, Belgique, un plaisir toujours renouvelé. Ils m’envoient des cartons d’invitation à partager pour l’exposition des 180 artistes ayant séjourné au Centre. Je suis contente d’en être, fière d’y être. Ces cartons me flattent, signe de reconnaissance. Que de besoin, est-ce culturel? Si nécessaire? Et si je n’avais pas reçu ces cartons, j’aurais quand même participé au collectif, j’aurais été contente. Ces cartons multiplient mes joies. Être invité, accepté, envoyé l’œuvre, l’œuvre accrochée chaque étape est heureuse, renouvelée. Et qu`arrive t’il de moi? Moi tout court? Et qu’advient il de moi? de moi l’artiste? je ne suis pas tout à fait arrêté, pas encore.
Aujourd’hui je relève ces notes sur des feuilles perdues : les miennes, mon travail est intuitif, sélectif aussi, de l’ordre d’un choix esthétique. Je travaille surtout en série, cela me permet de développer l’idée jusqu’à sa plus simple expression.
Les mots pour moi sont éléments déclencheurs, matières plastiques. Le chant des mots : dit ou non-dit me nourrit, me mène au delà de nulle part.
Mes estampes sont d’abord espaces de vie. Morceaux de temps volés à la vie.
L’iris révèle l’invisible, fixe le silence. La dame s’arrête, ses livres se meuvent dans une langue morte, son regard trouble, inquiété.
Elle se tourne vers moi et demande de chercher son numéro de téléphone, elle l’a oublié……elle ne sait pas lire sans ses lunettes, elle demande de noter, si on appelle quelqu’un viendra la chercher. Puis elle retombe ou plutôt retourne dans l’endormissement.
L’autre magasine calmement en articulant un discours décousu. Elle s’éloigne de sa compagne, sa fille en occurrence, qui la rappelle près d’elle. Elle devient agressive à l’appel. Alors sa fille empruntera une voix d’enfant : vient, vient me chercher maman….alors elle se rapprochera hésitante, son agressivité retombera. Elle se meut doucement comme une algue au fond de la mer.
Le pissenlit=symbole=vase fragile=femme
Le citron=symbole de la simplicité, beauté, amour
Projet
Quoi que nous soyons entrain de faire à un moment donné nous ne devons pas perdre de vue que ce que nous faisons est en corrélation avec notre nature profonde. Là réside la poésie. Bashô
Je pars pour un voyage de mille li, sans emporter de provisions avec moi. Sous la lune de la troisième veille, je pénètre dans le rien de spécial. Bashô
Je pars à la recherche de mon moi profond. Aller, ne rien faire, faire le vide, déstructurer la réalité, laisser venir, s’inspirer de la banalité.
*La seule forme de projet possible est celle qui propose une méthode qu’institutionnalise le fragmentaire.
John Cage est l’instigateur d’une telle méthode,
Un artiste n’a pas à témoigner de son époque, il est fait d’elle.
Mon répertoire : fait de contradictions, d’affirmations, de négations, de choix et de renoncements, de corrosion et de protection.
Je n’apprends ce que je fais qu’en peignant, c’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche….Pierre Soulages
Pousse sur ta propre tige….Marthe Wery
Ces deux dernières citations affirment et confirment ceci : le style résulte de multiples rapports entre une pratique, la réflexion sur cette pratique et le tempérament de la personne qui pratique et réfléchit.
Je crée d’abord pour moi, parce que c’est une nécessité personnelle, intime, qui rend ma vie possible.
La réalité de l’œuvre
La réalité c’est le triple rapport qu’il y a entre l’artiste, son travail ou œuvre, et celui qui regarde.
Je ne prémédite pas mon travail, pas non plus ma démarche, mais me nourrissant de voyage littéraire, planétaire …j’évolue au fil du temps saisi. Je vis, je change, mon travail évolue mais je reste fidèle à des choix, à des goûts, sans doute à ma nature.
Quelque fois l’effacement d’une intention est quelque chose de productif, souvent plus que l’intention affirmée et développée. D’ailleurs pourquoi le développement. Pierre Soulages
Poésie involontaire et poésie intentionnelle.
L’écriture fragmentaire
Le simple garde le secret de toute permanence et de toute grandeur….Heidegger et Rothko
So ist es =c’est ainsi Hegel devant les Alpes….
9 janvier
entrer dans son bus comme à l’habitude, dire machinalement c’est bien le 87…..voir le chauffeur se lever, se baisser vers la vitre avant comme pour lire le carton à l’extérieur, se rassoir et dire : ça doit être cela, vous ne savez pas lire.
Parole zen :
Lorsqu’on s’écarte du zen, les montagnes sont les montagnes, les fleuves sont les fleuves. Lorsqu’on entre dans le zen, les montagnes cessent d’être les montagnes, et les fleuves d’être fleuves. Mais, lorsqu’on atteint le zen, les montagnes et les fleuves redeviennent montagnes et fleuves.
26 janvier
et il faut porter un mouchoir à sa bouche, son nez, ne pas tout prendre … je porterai des tissus à mon visage. Je protègerai ma peau, mon masque, je retiendrai les pluies, je garderai les nuages de poussière, ceux de Bangkok et d’autour. Je rapporterai d’Asie, prisonniers de mes vêtements de ma mémoire cette pollution envahissante.
Simone et le passé refont surface, la maison et la mort en héritage …
L’ouvrage de dissémination présente une beauté miroitante, diffractée, re-dupliquée, chacune de ses bribes brillant d’un éclat particulier, renvoyant et exaltant à sa manière l’image de la totalité. Les fragments seraient alors comparables à ces petites flaques d’eau déposées sur le chemin après l’averse et que la terre n’a pas bue. Chacune d’entre elles reflète tout le ciel, les nuages qui se sont déchirés et qui passent, le soleil qui luit de nouveau. Une grande mare où tout l’océan n’aurait répété le ciel qu’une fois. ……
Avant mon départ j’hésite à prendre le livre le 47’étage…de peur d’affecter les douaniers avec le souvenir récent du 11 septembre …
Finalement je le ferai, je dois, je n’ai pu l’ouvrir avant trop occupé à mon quotidien…je veux connaître…l’auteur victime qui avait son bureau dans les nuages….
9 février
Décollage à 9hres55, arrivée à Toronto à 11hres10
à 12hres30 on a passé la douane canadienne, américaine, Un voyage confortable malgré quelques papillons, nos bagages sont passés directement du côté américain alors que nous les attendions du côté canadien.
11hres Québec
8hres Los Angeles, en attente à l’intérieur de l’aéroport, en transit pour Taipei.
Combien de patience je devrai acquérir…..ils sont familiaux, sortent en troupeau pour 4 valises et tu te rends enfin compte qu’ils accompagnent l’être cher. Ils te guident avec un lot de supercheries, de complications, et au bout de la ligne, enfin, tu apprends que les sièges visés sont déjà réservés pour toi…ouf! Un instant j’ai failli revenir sur mes pas, rentré chez moi….mais je suis revenue à la réalité vraie. Si je côtois l’étranger, je me dois de respecter ses modes de vie. Lorsqu’un jeune employé est venu me prendre mon bagage à main pour l’apporter dans la south à bagages …panique….ils font oui, ils font non de la tête, toujours en changement….
Je suis dans l’avion vers Taipei, il me reste 7hres encore dans ce fourgon volant, puis 3hres30 dans un autre avion vers Bangkok. Me voilà sans bagage je dois récupérer le tout à Bangkok. Le vol achève, je demanderai à l’hôtesse un appuie tête à l’effigie de China Airline….elle m’en donnera une pleine réserve…voilà au moins un élément positif, un projet de dreamcatcher est né.
Destination : 0 :31 Taipei
Destination : 138 miles
Et le chahut des ceintures, des rires….
Atterrissage : 5.46 am mardi
Et la nuit oubliée déjà, des vagues lourdes m’ont dérangé …
Enfin…elles ont parfois bercées mes rêves
Nous somme présentement dans l’aéroport de Taipei, un brin de toilette dans l’espace publique me rafraichi, je commence tout de même à manquer d’air….et on ne peut sortir, nous sommes en transit. Je profiterai tout de même d’un regard jeté sur les arbres magnifiquement taillés, alignés, dans un stationnement à perte de vue, occupé à son maximum de petites voitures.
Encore 3hres40 de vol, nous partons à 9hres25 de Taipei et nous reculerons l’heure une fois encore, nous y retrouverons nous dans ce changement d’aiguilles ? …
Un croquis horaire :
Québec lundi matin 8hres14
Taipei mardi matin 8hres45
Bangkok mardi matin 7hres45
Et là, tout juste là, je regarde dehors dans mon intime fenêtre et à perte de vue un désert doucereux, un ruban de ciel bleu, quelques trouées plus sombres laisse deviner ma terre, plutôt cette terre asiatique que je viens parcourir pour une première fois. Et je dis première et pourtant depuis combien de temps je la surprends dans mes dessins, dans mes lectures, dans ma musique….
Comment pouvait il vivre ses journées cet homme du 47’étage, comment était il secondé par cette vision singulière…..
Là, tout juste là, une ville gelée dans une pellicule patinée, comme une applique moirée, sur une nappe d’organza…..
Un profile de jambe, une silhouette de femme, délire sous les nuages, se perdre dans l’azur….
À 104 kilomètres de Taitung, au dessus de Kaohsuing, de DaNang….je ne bouge pas, dans l’éclat de cette lumière diffuse je prends, j’aspire, je piège, je capture, m’abandonne, je fixe, je cherche, le bleu m’enivre et là mes pointes de cils se noient dans l’écume des nuages…
Si j’écoute la musique orientale classique diffusée en sourdine j’arrive à douter d’être tombé dans une boîte de pandore.
J’ai dîné d’un riz en couche, garni se feuillages inconnus, parfumés, à souhait, piqué d’un champignon noir, gluant, âcre, doux, arrosé d’un vin floral accompagné de tofu soutenu de pièces de porc mariné….le tout complété de fruits, de fromage et d’un gâteau chocolat noir (yin et yang ) au rendez-vous. Écrire et mangé de peur d’oublier, mal écrire, manqué de mots. L’extase d’une dégustation, d’un festin à bord … et je retourne sur le dos du ciel, y prenant le thé je scrute une colonne fébrile, dessinée en dentelle fragile….il a beau dos le ciel……il s’habille d’un morceau de robe, parfois il porte des faux cols … je le quitte lentement vers Bangkok, plus qu’une toute petite heure…
Quand nous sommes débarqués, quel charme….on oublie l’attente, l’inquiétude, les retards, les bagages sont là, un représentant de notre agence nous attend, nous accueille en français, sympathique….il nous mènera à l’Hôtel en plein cœur de Bangkok…..un oasis de verdure qui tranche dans un univers cahothique….un premier repas indescriptible à l’hôtel…. Nous sortirons rapidement chercher à boire pour nous désaltérer à la chambre…mais en marchant dans le cœur de la ville nous sommes vite étouffé, l’air irrespirable nous fait suffoquer, je porterai une serviette humide à mon visage et rapidement retournerai à l’hôtel..Si j’essaie de décrire l’image vue, son parfum, sa réalité je n’y arrive pas, je n’ai aucun point de comparaison, aucun lien avec un autre centre ville, aucun indice, avec ceux déjà visité ailleurs…Bangkok est singulière, colorée de contrastes vivants indescriptibles.
Si, un détail surprenant mais incompréhensible…..Dans les rues, automobiles, motos, touristes ou habitants, moines tous cohabitent, tous mangent sur les trottoirs où des cuisines improvisées cahin-caha, des bassines d’eau grises pour rincer les ustensiles se chevauchent, tous les métiers du monde sur le trottoir…inimaginable…
12 février 2003
Déjeuné et soupé ….une expérience culinaire, un service impeccable, si Bangkok était un rêve, l’expérience culinaire vécue l’est elle aussi…
On frappe à notre porte de chambre, j’ouvre, elle m’offre son sourire, deux orchidées et quelques mots gentils…
3hres du matin et je n’arrive pas à dormir, je dois me lever à 5hres 30 pour aller au marché flottant…j’achèterai une pesée d’opium pour une amie, elle comprendra le poids du geste et le raffinement de l’objet la rejoint, je lui offrirai quelques dream catcher (appuie tête) et mon journal…
Au retour j’approfondirai un projet impressions d’Asie…
Dans tous les bus des appuie tête en dentelle.
Marché flottant
Il ne faut pas oublier ce jour coloré, engramme à jamais …nous quitterons l’hôtel à 7hres30, toujours avec ½ heure de retard, ne jamais l’oublier, nous y arriverons. S’assoir au fond d’un longue queue demande une souplesse inouïe, nous y sommes arrivés sans trop de douleurs, arrosés par l’eau polluée du Klong mais rempli d’une pratique culturelle exotique inoubliable. Baptême boudhiste suprême. Nous visiterons plusieurs temples, le boudha de marbre, le boudha d’or, le boudha d’émeraude, nous traverserons le marché aux fleurs, le marché aux légumes, qu’elles odeurs? quels parfums? Découvrir la Thaïlande mystique par l’odorat, ses couleurs sont parfumées, ses parfums sont colorés. Garder le souvenir de l’ombre chapeautant le marché, de son ambiance profonde. …
15 février 2003
Nous sommes entrés à ChaAm hier au soupé après un voyage que je qualifierai de dangereux, dans un trafic dense… l’Hôtel n’a pas le luxe du Dusit Thany …nous commencerons un repas bien mérité, les lieux sont plus simples, rien d’aussi riches que dans le sud mais nous comparons pour ajouter des couleurs à nos expériences, non pour effacer les traces de nos souvenirs. Notre chambre offre beaucoup de rangements avec un grand balcon privé, une vue imprenable sur la mer ….
18 février mardi
Je noterai ceci, levé de lune, oui levé de lune d’hier soir, 6hres30 approximativement…sans mots.
Sur fond d’ombre un rond de papier translucide, d’ivoire et de pêche jusqu’à l’orange.
Massage, délice, douleurs …
21 février
Pattaya……………………….
Le hasard vaut mieux que 1000 rencontres…..
Il arrive heureusement qu’on arrive à la bonne piste en errant.
Van Gogh
Journée dans l’eau chaude, brise douce, nos transits près du magnolia, nos parasols en attente … journée rêvée, à rêver…Denis a perdu son temps, sa montre….j’ai fantasmé sur la fleur noir d’un maillot, j’ai cru l’avoir dessiné, qu’on me l’avait emprunté, elle était du même souffle que mes ¨bleu misao¨sur un fond sable et blanc et j’ai eu envie de prendre mes crayons….je commencerai une suite ¨Thelma ¨ une allemande sympathique, d’un âge certain, source d’inspiration.
La lune n’était pas au rendez-vous, la voilà tardive, trop tard, je l’abandonne dans sa ronde de nuit.
Claire-voie … partout ….
Mercredi 19 février
36* soleil, mer, dessin.
Dessins noueux, prisonniers, continuer pour que naissent les formes libérées …j’attends. Quelques lézards glissent autour sur le sable doré.
Un tapis d’or blanc sillonne la mer, l’écume vient mourir là…
Jeudi 20 février
Songer au retour …ne pas oublier les cageots à poule, les urnes d’eau fraîche, la prostituée, le maquereau, les étales le long de la route (bananes, melons, noix de coco) et les autels aux offrandes nichés partout où on ne les attend pas. Les balayeurs de rue chemisette pêche, chapeau de paille, pantalon mou, visage enveloppé. Religion et Roi, maîtres là….
Pattaya, mer et monde, conte de fée, luxe plus ultra. Vue sur le jardin grandiose, derrière, la mer à perte de vue, toujours différente, bateaux dormants, lumières scintillantes......
Tout est théâtral, tout est simplicité, paradoxal non….En parallèle l’eau de la piscine et l’eau de la mer, la brise effleure, affleure su l’autre…les bateaux glissent, tanguent, sommeillent …et l’odeur chaude, huileuse, enveloppante, agréable, parfum de vacance, croisée des épices, alambique international.
En sortant de la chambre ce matin, temps sublime, image halluciné de parachutes virevoltants dans le ciel au dessus de la mer, des bateaux de pêche, ceux de riches vacanciers…ce qui a retenu le plus mon attention ici : les céramiques aux couleurs chaudes, les lambrissés des plafonds, les nombreuses gravures flamandes…les plâtres anciens, dans un des salons un grand tapis bleu, flamand lui aussi et une vue imprenable sur la baie….
à suivre
25 décembre
en suite....qu'elle année à venir...........................................
si je vois, j'ignore et c'est quand je suis distraite que je vois le plus nettement. L'art est l'expression intellectuelle de l'émotion, distincte de la vie qui est elle même l'expression évolutive de l'émotion.....tout ce qu'il nous est impossible d'avoir, d'oser, d'obtenir nous pouvons le posséder en rêve et c'est avec ce rêve que nous faisons de l'art. Parfois l'émotion est si forte que même réduite à l'action, cette action ne peut la satisfaire du surplus de cette émotion, privé d'expression dans la vie réelle, naît alors l'oeuvre d'art. Il y a ainsi deux sortes d'artistes: celui qui exprime ce qu'il ne possède pas et celui qui exprime le surplus de ce qu'il possède. Pessoa